Le ghazal présenté par Massoud RAONAQ

 

Un genre musical peu connu en France :

 

         Dans la famille des musiques afghane et indienne, on connaît plutôt Nusrat Fateh Ali Khan, qui présentait un genre semi classique et religieux, puisque les Qawalis sont des chants soufis  à la louange de Dieu, du prophète Mohammad ou des grands phares du soufisme. Le ghazal fait partie du même registre, mais il utilise des poèmes profanes ou d’apparence frivole, comme nous le verrons plus loin.

 

Tout comme le Qawali, sa structure mélodique s’inscrit dans un « raga » plus ou moins complexe, et le chanteur utilise des techniques de voix et d’improvisation du registre classique. Il comporte successivement, des parties chantées et des parties mélodiques où les instruments s’expriment plus librement. Cette synthèse de la beauté envoûtante du système dit « hindoustani » et des poèmes d’amour persans, est très appréciée en Afghanistan, au Pakistan et en Inde.

 

Depuis approximativement un siècle, le ghazal s’est énormément développé en Inde, en Afghanistan et au Pakistan, avec de très grands chanteurs comme : Ustad Qassem, Ustad Sarahang, Talat Mahmoud, Mehdi Hassan, Gholam Ali, Jagjit Singh, Farida Khanom, Parwine Soltana et beaucoup d’autres. Leur souplesse musicale et leur talent artistique laissent libre champ  à l’innovation, et ils ne cessent de marier des instruments occidentaux aux sons traditionnels de leur culture d’origine, pour parler du thème universel et inépuisable de l’amour.

 

Les thèmes et les textes :

            Le ghazal (mot à mot : chant d’amour), a été inventé vers le Xème siècle dans le monde musulman puis il a été étendu sous les empires successifs jusqu’en Inde. Au départ, il désignait un genre littéraire très imagé de la poésie rimée, sur des rythmes arabes. Ces vers d’une extrême finesse et beauté, glorifiaient l’amour sous toutes ses formes ; de l’amour humain jusqu’à l’amour  divin et mystique.

 

Le rythme et la rime ont aussi été considérés comme des moyens mnémotechniques puissants pour les civilisations orientales où la rareté des livres conduisait à la diffusion orale de la culture et des savoirs. Par ailleurs, les persécutions idéologiques et les extrémismes religieux, n’ont pas laissé d’autre choix aux philosophes et mystiques, que de présenter leurs connaissances de façon étoffée et symbolique.

 

Des symboles éloquents exprimaient le condensé de la pensée de grands poètes classiques entre le XIème et le XIIIème comme : Rodaki, Farrukhi, Sanaï, Saadi, Hafez, Roumi, Shams é Tabrizi et tant d’autres plus récents comme Mirza Ghaleb en Inde... l’œuvre de Hafez était vénérée presque autant que le Coran et se trouvait sur les mêmes étagères dans les maisons de la Province de Khorassan. Mais le genre littéraire est toujours utilisé jusqu’à l’heure actuelle avec des poètes contemporains comme Rahi Mohayeri, Ashqari etc. Pourtant, on ne pourra jamais ignorer le maître incontesté qu’était : Mirza Abdul Qadir Bédel (XVIIIème siècle). La beauté de ses formules, son style très dense, sa philosophie très riche et l’universalité des thèmes qu’il a développés, rayonnent de plus belle encore aujourd’hui, sans que l’on ait épuisé tous les sens de sa poésie. Ce n’est pas sans raison qu’il a été surnommé : « le  père des connaissances ».

 

Le vin, symbole d’interdits en général, est synonyme d’une connaissance interdite au commun de Musulmans, et le sage apparaît comme le maître sommelier. L’amour était une quête mystique et l’objet d’amour -le/ la Bien Aimé(e)-, l’Etre suprême et la réponse à tout. Dès lors, par les allusions d’une poésie d’apparence légère et esthétique, les poètes-philosophes, critiquaient l’ordre établi, la rigidité religieuse, l’hypocrisie et la médiocrité des puissants. Cela dit, chaque lecteur, à son niveau, y puise ce qu’il est capable de comprendre : les adolescents apprécient le romantisme et la sensualité de ces poèmes d’amour, les politiciens y voient la satire et le mystique découvre les connaissances ésotériques.